Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
teatiny
Archives
Publicité
14 décembre 2012

SUR L'IDENTITÉ/ ON IDENTITYJean-Christophe




SUR L'IDENTITÉ/ ON IDENTITY

Jean-Christophe Bailly, écrivain, à propos "d'un clash des civilisations", en conversation avec Richard Millet dans l'émission d'Alain Finkielkraut sur France Culture, Répliques, dit ceci de très intéressant:

"En aucun cas, on ne peut considérer les jeunes des quartiers comme un camp, qui s'opposerait comme tel à la société, qui, comme tel, se donneraient pour but ou pour tâche de la renverser ou quoique ce soit de ce genre.
Il s'agit de quelque chose de beaucoup plus triste que cela (…) Il s'agit de la tristesse du monde dans lequel on est aujourd'hui, et cette tristesse ce n'est pas seulement la violence à Sevran, à Villepinte ou dans telle banlieue, c'est la tristesse des bateaux qui coulent en Méditerranée, c'est tout cela et c'est le problème absolument non résolu, et qu'aucune force politique européenne ne s'attache à véritablement résoudre, celui de l'exposition, de l'exhibition de la richesse dans un monde qui s'appauvrit de plus en plus. Comment imaginez que l'on n'ait pas envie de venir ici ? On ne vient pas ici pour s'assimiler, on vient ici pour le miroitement de cette société et tant qu'il n'y aura pas une analyse en profondeur, qui aille à la source de ces questions et bien on arrivera pas et on aura que des réactions sentimentales. Est-ce qu'on doit aller vers une Europe où il y aura les 'vrais' Finlandais, les 'vrais' Hongrois, les 'vrais' Espagnols, qui ne seront pas d'accord avec les 'vrais' Catalans puis après cela peut se diviser ensuite. La vérité ne se dépose pas dans le national. Le national, bien compris, devrait pouvoir être un opérateur, un créateur d'individuation."

jcbailly-guillemette_m© guillemette m., Jean-Christophe Bailly à Paris — mardi 9 oct. 2012


 


 

CARTOGRAPHIE DE MES DÉSIRS/ MAPPING MY DESIRES

ONE

a new territory

 hampstead_heath
C'est à Hampstead Heath que j'aimerais m'établir.
Non loin des paysages de John Constable.
Non loin du 40 Well Walk, Hampstead, London NW3
Non loin du cimetière d'Highgate.

High_Gate





 

TWO

the art of using the internet or the new capital

Suite au don de mon ami Laurent Durox, correcteur au magazine Télérama, d'un livre de Jean-Claude Michéa, Le Complexe d'Orphée, je me suis réveillée vendredi 14 décembre avec cet entretien sur france culture.



De video en videos, je me suis intéressée aux recherches d'Yves Citton dont les travaux figurent entre autre dans la revue Multitudes et à ceux de Paul Jorion (blog), puis, au regard de la météo grise et pluvieuse, j'ai préféré rester devant mon écran à découvrir des modes de vie alternatifs via le site scoop.it.

pause déjeuner

Après la lecture d'un texte en anglais sur la vie d'Henry David Thoreau sur un blog, puis d'un second sur celle de Chomsky sur le site du New Yorker, j'ai prolongé mes clicks avec un texte d'André Gorz. Le surf réticulaire m'a conduit à l'idée du revenu de base du citoyen ou revenu universel puis à la pensée de Yann Moulier Boutang.


Je clicke de murs facebook en murs facebook et prends le large avec un article sur la prégnance du logiciel dans l'industrie du numérique, qui me redirige sur le concept de l'âge de la multitude puis sur une interview de leurs auteurs sur france culture.

Je réponds à trois mails et termine par la lecture d'un texte sur le "féminisme" de Simone de Beauvoir (que je ne qualifierai jamais de "féministe" mais sans doute "de la pire des phallocrates", je m'en expliquerai dans un prochain post)

pause dîner

En une journée, au travers de l'utilisation intensive du web, j'ai découvert plus de mondes, d'idées et de champs de réflexions que je ne l'aurai jamais imaginé il y a 10 ans dans une bibliothèque municipale. Tout cela m'a été proposé gratuitement sous la seule condition de payer la somme de 30€/ mois à mon fournisseur d'accès internet. Si je le souhaite, je peux désormais avoir accès à n'importe quelle conférence d'un chercheur basé à Berkeley, Harvard ou Cambridge. De quoi effrayer la classe des "élites" qui tend à se protéger en restreignant cet accès plus qu'à ne le diffuser (mais cette idée est déjà presque balayée par la diffusion des utilisateurs anonymes). Comme le disait Cioran: "Dès que quelqu'un me parle d'élites, je sais que je me trouve en présence d'un crétin." La fin de la société pyramidale approche à grand pas au profit de celle du world wide web. La semaine dernière, je suis passée maître de l'histoire de la guerre des Roses en Angleterre après avoir décidé de m'intéresser à l'histoire de la guerre de Cent ans.

Lors d'une promenade photographique le long de la Loire avec mon ami Stanislas Gros, nous sommes tombés, au pied d'une Chapelle, sur le mythe d'une caverne et d'un dragon, terrassé par un moine, plus tard canonisé et retransformé en chevalier. Je connais Orléans depuis si longtemps mais je ne m'étais jamais penchée sur le mythe de Jeanne d'Arc alors que la ville possède une rue Jeanne d'Arc, une statue Jeanne d'Arc, un musée Jeanne d'Arc, une spécialité Jeanne d'Arc... On y célèbre la Pucelle chaque mois de mai lors de fêtes Johanniques incontournables autant qu'insupportables. J'ai toujours eu tendance à fuir toute forme de jeannisme que sue la bourgeoisie catholique Orléanaise en l'occultant systématiquement de mon champ de vision mais au vu de mon prochain départ pour l'Angleterre je prends soudainement le sens de la valeur topographique et historique du lieu et souhaite cultiver le meilleur (the finest !) de mes deux identités (française et britannique). Alors voilà que j'ouvre Miquel, Favier, Michelet et l'encyclopédie Universalis pour tout savoir sur le haut Moyen Âge, la guerre de Cent Ans et les descendants de Charles VI le fol. Pour ne pas m'entraîner dans une vision chauviniste, je commence à ouvrir les précis d'histoire Britannique et de fil en aiguille, j'arrive à la dynastie des Tudors et à Henry VIII (le coupeur de têtes), dont le règne est parallèle à celui de François 1er (ils sont d'ailleurs morts la même année). Je construis peu à peu mes chronologies et commencent à me raconter mes propres histoires. Je deviens une amoureuse féministe de l'histoire tragique d'Anne Boleyn (décapitée après s'être d'abord refusée au roi, qui a tout fait pour en faire sa femme, y compris se détacher de l'Église de Rome. Imaginez l'hérésie !). Anne Boleyn, la mère de la furur Elizabeth 1st. Viennent se rappeler à mon souvenir d'anciennes lectures comme François Villon et Charles d'Orléans (le prisonnier de la bataille d'Azincourt en 1415) puis Christine de Pizan et des oeuvres de Shakespeare que je ne connaissais pas, dont tout un lot de pièces sur les Lancastre (cette famille qui aurait ravi le pouvoir au York, d'où la Guerre des Roses) mais aussi le visionnage de la série The Tudors, dont j'évalue les faits historiques autant que l'obsession sexualisante contemporaine, faussement libérée et incidieusement sexiste, de la production showtime (intégrée dans toutes leurs productions telles que The L Word ou Californication). Bien évidemment, je préfère revoir Looking for Richard d'Al Pacino et relire la traduction française des oeuvres de Shakespeare par François-Victor Hugo, tout en sachant que le "iambic pentameter" (le pentamètre iambique) de William ne vaudra jamais aucune traduction française car dès les premières lignes de Richard III avec son


"Now is the winter of our discontent
Made glorious summer by this sun of york;
"

comment peut-on rendre, en français, la sonorité et la double signification de sun (le soleil) avec son (le fils) ?

En une semaine, je suis devenue passionée et spécialiste de l'histoire de deux "nations" (ce terme est actuellement en pleine mutation), les miennes. Je dévore toutes les analyses et assiste aux conflits et défis de chacune, les relations intimes qu'elles créent, les désirs des rois qui ne prennent leurs forces qu'au regard d'autres pouvoirs remis en question à chaque politique diplomatique et qui, au sein des stratégies, partagent les territoires géographiques et spirituels: la fin du système féodal au profit de la création d'états et d'identités via le système de l'imposition, la relecture des textes bibliques avec l'arrivée de l'imprimerie et de Martin Luther. Mon identité devient floue. Le monde a toujours été en crise. Je préfère la force décidée d'Anne Boleyn à celle illuminée de Jeanne d'Arc. Les rondeaux de Charles d'Orléans, prisonnier de la tour de Londres pendant 25 ans, me donne envie d'écrire. L'élan chevaleresque, déjà archaïque, de Richard III renvoyant chacun à sa conscience face à la corruption du pouvoir dans les vers de Shakespeare me subjuguent ! Non, les nations ne servent pas à grand chose tant qu'elles ne déterminent pas des processus d'individuation. La nation du web est née, elle fludifie les échanges, les rapports et les identités. Je suis une transcendantaliste élizabétaine, une Racinienne Shakespearienne et peu importe le pays d'où proviennent les idées et les images. Alors, enfin, je redécouvre l'existence que je pensais avoir perdu dans le flot de la pensée néo-libérale. Elle meurt, cette idée de l'homme capitaliste qui crée de la richesse en se focalisant sur le seul profit, la notion de "travail" ou sur la valeur de l'objet, elle en a oublié l'homme, et jamais elle ne sera aussi vivante qu'un pentamètre de Shakespeare ou un alexandrin de Racine.

Le travail est bien une des principales notions en crise, à l'école comme au supermarché (cf. mon post du mois d'avril). En tant que professeure, je n'ai jamais souhaité ni su asseoir mon autorité potentielle — celle d'enseignante — vis à vis de mes élèves, la seule notion que je reconnaisse est celui de l'échange et du respect entre les individus. Il n'est pas facile de se faire écouter dans une salle de classe mais il est aisé d'être écouté lorsque le discours est pertinent: respect de soi, des autres, du matériel et enjeux collectifs, faire comprendre que le savoir et la connaissance sont des processus critiques, formateurs de pensées individuelles et d'originalité, qui ont un impact sur le bien-être de la société (qui comprend soi et les autres) etc. En effet, le travail, tel que les générations précédentes l'ont envisagé: rémunérateur et sociabilisateur, n'est plus une valeur fondatrice mais totalement délétère. Nous n'avons absolument pas besoin du travail pour être des personnes sociales et à l'heure actuelle, celui-ci n'est plus gage de respectabilité ou d'accès à la richesse. La disparition des classes moyennes en témoigne (la société construit désormais des boutiques de luxe ou des supermarchés 'low cost'). Si mes grand-parents "ont travaillé toute leur vie" comme ils le disent si bien pour accéder à une maison, une sécurité sociale et une retraite, je me trouve quant à moi sous l'égide d'une société incapable de me promettre maison, sécurité sociale et retraite, en tout cas certainement pas via ma force de travail. Les industries ferment et les nouvelles technologies balaient le besoin de main d'œuvre. Par contre, j'aurai toujours besoin d'un boulanger, d'un plombier, d'un couvreur, d'un garagiste etc., i.e. de savoir-faire spécifiques que je pourrai certes acquérir pour plus d'autonomie mais puisqu'il me semble impossible de tous les posséder, il me semble utile de les déléguer (par contre, le savoir-faire politique est à mon sens anti-démocratique). Ce qui sous-entend par la même, mon refus de participer à l'obsolescence programmée des objets. Un exemple concret est que je ne souhaite absolument pas changer ma voiture au premier pépin technique — ce que je lui demande c'est de rouler d'un point A à un point B — mais la réparer jusqu'à épuisement total des pièces ou bien même changer de téléphone portable pour acquérir le dernier iphone 5. Nous savons tous pertinemment que cette forme débilitante de consommation représente un danger extrêmement grave pour la planète et participe à l'épuisement de ses ressources.


Alors pourquoi ne pas arrêter de travailler ?
La notion de "travail" ou de "ce que doit être le travail" est assez délicate car elle englobe des choses différentes selon chacun. Et si les média —et par extension une vision de la société— a globalement tendance à reprocher aux pauvres d'être des fainéants; une bonne fois pour toute, arrêtons de victimiser les salauds de pauvres qui préfèrent se saouler avec leurs RSA et préférons victimiser le sale riche qui se paie des vacances à Ibiza pour éteindre sa soif de compétitivité. Soutenons enfin le grand débat démocratique médiatique (sarcastic spoiler alert) de la visibilité des deux parties ! Les uns ne sont pas plus les extorqueurs des autres que les autres les profiteurs des uns. Et les média de modestes relayeurs impartiaux (double sarcastic spoiler alert).

fig Une couverture du Figaro Magazine.


Personnellement, j'aime bien travailler, cela ne me dérange pas. J'aime lire et écrire, photographier et réfléchir. Je travaille donc tous les jours. Le matin, je me lève simplement avec la force de ma richesse intérieure, je la fais fructifier dans mes rencontres et mes désirs. J'enrichis chaque jour mon devenir humain qui n'est ni comptabilisable ni monnayable. (Et là, je sens certains décrocher et penser que mon langage entre dans le domaine de l'ésotérisme, ou éventuellement dans celui de ce qu'un certain paysage français appelle le 'gauchisme', voire 'l'anarchisme'... prépare-toi, lecteur à tomber dans l'abyme !).
La valeur que je produis ne produit pas de richesse, ou elle produit simplement une richesse sans valeur.

Note sur cette dernière phrase:
Exemple 1: je décide de confectionner un panier: j'assemble les brins d'osier, j'y ajoute mon savoir-faire: j'obtiens un panier.
Exemple 2: je produis une image: j'achète les négatifs, l'appareil photo, j'y ajoute les frais de déplacement et mon savoir-faire; j'y ajoute le développement voire l'impression: j'obtiens une image.
Dans les deux cas, j'ai produit une richesse, un bien. Auquel désormais j'ajoute une valeur, à savoir le prix de mon temps de travail et des matériaux utilisés.
Le choses se corsent quand cette richesse (bien) ou cette valeur (savoir-faire) ne peut pas être reconnue par un tiers: acheteur, client, société. Si mon panier ne se vend pas (ou mon image), je n'ai pas produit de richesse, ou une richesse sans valeur.
S'offrent à moi 2 possibilités: je fais comme le capitalisme des années 80, je commence à créer de la richesse grace à la spéculation ou encore à modeler le comportement de mon futur acheteur en lui proposant plus que mon simple panier; Je lui propose le mode de vie magique autour de ce panier. Je le fais bien, façon politique NIKE: mon panier coute 5 euros mais j'investis 50 euros pour lui créer de la valeur. Donc, je photographie mon panier en studio, j'évoque les couleurs et les avantages multiples de mon panier dans une brochure au papier glacé, puis dans un clip vidéo branché — sur musique électro, si possible versaillo-frenchy genre Daft Punk— j'offre à mon futur client la possibilité de croire que ce panier est plus qu'un panier, c'est un mode de vie, voire une philosophie (n'ayons pas peur du succès) ce qui lui permettra de changer son réseau social, jusqu'alors assez pourri. Tout le monde sait que la vie n'est intéressante que dans les rencontres. Ce panier n'est pas un objet c'est une technologie pour une vie nouvelle, qui potentiellement l'ouvrira à d'autres paniers: un panier pour chaque jour de la semaine ! Puis, je pense quand même à réduire le coût de mon panier en le faisant faire par les Chinois pour 3 euros, parce qu'entre temps, ma dernière campagne visuelle m'a coûté 10 euros de plus.
J'ai bien spéculé sur la richesse de mon panier qui a désormais une histoire, une image, une vie et une descendance. J'ai ajouté un maximum de valeur à mon panier. J'ai créé "le rêve du panier". Mon panier qui est toujours en osier a désormais son désir. Je suis presque déçue que mon panier reste un panier avec une fonction presque trop utile: transporter mes courses. Mais, je suis plus habile que cela, je vais créer le rêve des courses à mettre dans mon panier !
Bref, tu as compris désormais les notions économiques de valeur et de richesse, lecteur, et l'écart qui se creuse entre les deux. Et tu as aussi compris, que comme artiste, travaillant dans la valeur et finalement peu dans la richesse (surtout si tu t'appelles Gursky), bon nombre décide de créer la leur dans le rêve et "la vie d'artiste" autour de leurs travaux plutôt que dans leurs travaux (sans parler de ceux qui créent leurs valeurs par copie ou assimilation du sytème en ce faisant businessman, comme Jeff Koons et Damien Hirst par exemple).

Je t'avoue que spéculer sur le vent m'est toujours un peu difficile. Et s'il est un sujet philosophique par excellence, c'est bien la météo. Ma valeur à moi ne vaut rien (n'ayons pas peur de la sagesse). Je n'ai que moi. Dans 60 ans, tout au plus, je pourrai même faire une croix dessus. Alors j'aimerais juste faire mes trucs sans avoir à être une esclave du mot "travail", qui se trouve être dans mon cas l'équivalent du mot "revenu". Je ne fais pas des images pour avoir des "clients" ou "une société", ma vie est beaucoup plus égoïste que cela. Je les fais pour vivre. Le reste, je le laisse aux weather men.

Si je devais résumer mon CV, je ferai le constat suivant: mon investissement prend racine dans de nouveaux agencements. Il s'attache aux préoccupations culturelles, écologiques et collective. La société pyramidale ne permet pas de reconnaître ma pratique de la vie et de mon travail. Il serait peut-être temps de reconnaître cet effort parmi tant d'autres en lui permettant de vivre dans une économie du partage, de la contribution ou de la multitude (je choisis ici une sélection des nouvelles appellations liées à l'économie, cf. Rifkin, Stiegler ou les actants de l'économie numérique). Tout ceci au sein d'un monde globalisé. Car en effet j'ai peut-être plus à voir avec un indien pauvre et sans ressources médicales (en cela je rejoins les propos de J-C Bailly) qu'avec mon assureur qui spécule sur les risques de ma vie.

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité