TRIBUTES (chapter II)
Il était
environ 15h je crois. Plusieurs coups de téléphone ont annoncé les faits.
J’ai cru tout d’abord à une mauvaise blague (les rumeurs vont toujours bon train en Arles et tout particulièrement à l'E.N.S. de Photo). J’ai fini mon paquet de cigarette,
consulté internet, visionné l’extrait où Scully faisait un choc
anaphylactique dans un couloir sombre donnant sur l’appartement 42, trois puis quatre fois, croisé les
incidences, les derniers textos. Et puis encore un autre coup de téléphone me
disant que je pouvais venir lundi prochain à Nantes lui adresser un dernier au revoir.
Je ne veux pas lui adresser un dernier au revoir. Pourquoi ? C’est
surréaliste. Il m’avait laissé un message sur mon répondeur il y a une semaine.
Il partait prendre la haute mer Le Capitaine, direction l’Italie. Comme il le disait
dans son dernier texto : « bisous avant silence radio ».
Pourquoi dit-on tout cela ? Pourquoi me parle-t-on d’œdème pulmonaire,
d’allergie et de taon ? Pourquoi tout à coup cette pesanteur, cet essoufflement à l'évocation de la disparition ?
Avant son départ à la retraite, le jeudi 5 juin, j’avais réalisé son portrait à la
chambre. Il tenait à ce que je le prenne en photo. Je crois qu’il aimait mes
portraits, surtout celui que j’avais fait de Françoise. "T'es une fille plutôt chroma", avait-il dit à la fin de ma 1ère année. J’avais monté la
chambre dans la cour de l’école en fin de soirée, mon heure. Il s’était
installé sur l'un des bancs en bois et avait patienté très sagement le temps que je fasse mes
réglages. Avant de prendre l’image, je lui avais demandé de relever légèrement
la tête et de regarder droit dans l’objectif. Surtout pas de sourire. J’ai
compté jusqu’à trois. Click. J’ai remis le volet dans son châssis et je l’ai
remercié.
Je ne pourrai jamais lui offrir son visage.
Lui, son truc c'était la vidéo mais il prenait des images avec son portable et aimait jouer avec. Cela donnait ce genre de photographies.
Déjà, à la
fête de fin d’année de l’école, après les discours officiels puis officieux sur
son départ à la retraite, les bises de chacun et les danses à la Travolta, je
n’avais pas pu lui dire au revoir.
Woke up and for the first time the animals were gone
It's left this house empty now, not sure if I belong
Yesterday you asked me to write you a pleasant song
I'll do my best now, but you've been gone for so long
Ce n’est pas aujourd’hui que je vais pouvoir
le faire.
Bisous
avant silence radio.